🔴 État actuel : Démoli 31/08/23

⌚ Temps d'explo : 3h+

🧗‍♂️ Difficulté d'accès : 2,5/5

👍 Note de l'explo : 3,5/5

Bienvenue dans cette exploration de Mittal Gandrange, une impressionnante aciérie qui restera dans les mémoires…

 

– Visite du 21 décembre 2019 –

 

 

Introduction (Jour 2 du road-trip Maginot 2019)

 

Il est 9 heures, le réveil sonne mais la lumière du jour nous a déjà réveillée . La température dans l’habitacle doit avoisiner les douze degrés ; nous sommes congelés. Je me suis réveillé toutes les deux heures pendant la nuit pour mettre un peu de chauffage ; la journée s’annonce difficile.

Il nous reste deux sites à voir avant d’entamer l’exploration de la ligne Maginot. Nous entamons donc les 25 minutes de route qui nous séparent de notre prochaine destination : Amnéville. Nous nous installons quelques minutes dans une boulangerie locale pour prendre un café et un croissant, endroit depuis lequel nous apercevons déjà l’imposant bâtiment d’Arcelor Mittal…

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Un peu d’histoire

 

L’histoire de l’industrie sidérurgique à Gandrange-Rombas commence en 1881, après l’annexion de l’Alsace-Moselle, quand l’allemand Karl Spaeter crée la Société des Forges de Rombas. En 1888 commence alors la construction de la « Rombacher Hüttenwerk », en français : l’usine métallurgique Rombasienne. La construction et la mise en service successive de 7 hauts-fourneaux s’enchainent jusqu’en 1902, année où l’usine tourne à son régime maximum.

En 1903, l’usine métallurgique de Rombas constitue à elle seule, 7 hauts-fourneaux, 2 745 hectares de mines de fer, deux aciéries, plusieurs laminoirs, une cimenterie, une usine à gaz alimentant une centrale thermique et tous les services annexes : moulins à scories, briquerie, fours à chaux, fonderie, ateliers généraux et laboratoire.

Rombacher Hüttenwerke archive 1905Rombacher Hüttenwerke, photo vers 1905

 

En 1913, à la veille de la Première Guerre mondiale, l’usine produit plus de fonte que les 5 autres grandes usines sidérurgiques du bassin sidérurgique lorrain (usines d’Hagondange, Moyeuvre, Homécourt, Hayange et Longwy).

Après la Première Guerre mondiale, le personnel allemand arrête puis abandonne l’usine. Peu de temps après, les français reprennent possession de la métallerie et la redémarrent progressivement. Ils y construisent un huitième haut-fourneau. L’entreprise est alors renommée en Société Lorraine des Aciéries de Rombas. Depuis, l’usine ne cesse de se moderniser.

En 1954 est construite la centrale thermique de Richemont, fonctionnant au gaz de de haut-fourneau. Elle est alimentée par un énorme réseau de gazoducs qui interconnecte les onze batteries de hauts-fourneaux de la vallée de l’Orne, de la Fensch et de la Moselle. Dix ans plus tard, le nouveau groupe Wendel-Sidélor est fondé à l’occasion de la construction de l’aciérie à oxygène pur de Gandrange.

Rombacher Hüttenwerke archive 1960Le complexe sidérurgique de rombas. En haut à gauche : la construction de l’aciérie de Gandrange, photo 1966

 

La première aciérie de Gandrange démarre en 1969. Elle est impressionnante par sa taille : bâtiment de 100 m de haut 430 m de long et 150 m de large. Cependant, les objectifs de production ne sont pas atteints car les procédés utilisés sont peu rentables. Deux ans de fonctionnement plus tard, une nouvelle technologie plus performante remplace les anciens convertisseurs de l’aciérie, mais là encore, la production est inférieure aux objectifs. En 1979, l’aciérie produit 3,4 millions de tonnes, mais l’usine est déficitaire. Étranglée par la crise de la sidérurgie, elle ne peut pas poursuivre sa modernisation.

À partir de 1982, l’usine est restructurée plusieurs fois. L’aciérie devient alors propriété du groupe Usinor. Elle transforme ses fours à oxygène en fours électriques mais ceux-ci ne parviennent toujours pas à rendre l’aciérie rentable.

Usinor Unimétal archive 2000

Usinor Unimétal archive 2000L’aciérie d’Usinor en activité, photos vers 2000

 

En 1999, Usinor décide d’abandonner le projet, et cède l’aciérie de Gandrange pour l’euro symbolique à l’indien Lakshmi Mittal. Pendant ce temps, l’usine de Rombas est progressivement arrêtée. Les deux derniers hauts-fourneaux, le 5 et le 7, s’éteignent en 1998. Leur démantèlement est presque achevé en 2002.

En 2008, l’usine n’est toujours pas redevenue bénéficiaire. Désormais dirigée par le groupe ArcelorMittal, celui-ci décide de répartir la production de l’aciérie dans d’autres sites. La fermeture définitive est annoncée l’année suivante et les travaux de démolition débutent en 2016…

Manœuvre d’une toupille Mittal Gandrange archive 2007Manoeuvre d’une toupille, photo 2007

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Images satellite du site en 2012 et 2019

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L’exploration de Mittal Gandrange

 

Retour à notre époque, nous avons fini nos croissants. Comme le bâtiment est en démolition, rien n’est vraiment certain quant à l’existence d’un accès, mais j’avais repéré quelques pistes en amont. Les principaux accès se trouvent à l’avant de l’usine, le long de la route, mais on ne passera pas par là dans un souci de discrétion. L’Orne borde la partie nord du bâtiment, ce qui signifie que nous devons trouver un pont.

Le bâtiment est d’une taille gigantesque ! Les lettres MITTAL, écrites en grand sur la façade, renforcent l’effet imposant du lieu.

Mittal Gandrange vue d'ensemble

Mittal Gandrange facade

De l’autre côté du pont, nous arrivons directement au pied du géant Mittal Gandrange.

Mittal Gandrange facade

Homme devant un panneau à Mittal Gandrange

Tout l’édifice est entouré d’un grillage comme neuf et renforcé par du fil barbelé. Honnêtement, je n’ai jamais vu auparavant autant de barbelé pour protéger un terrain en friche ! Il nous semble évident à ce stade que nous ne pourrons pas pénétrer dans cette enceinte ; nous poursuivons tout de même la balade.

Grillage et bureaux à Mittal Gandrange

grillage et pancarte DANGER à Mittal Gandrange

Un peu plus loin, on aperçois du matériel ferroviaire. Je m’approche pour voir de quoi il s’agit…

stockage ferroviaire à Mittal Gandrange

étiquette d'un wagon poutre traveleuse

Ce sont des wagons d’entretien des voies. Nous supposons qu’ils n’avaient probablement aucun lien avec l’aciérie et étaient simplement entreposés ici dans l’attente de leur sort.

Homme devant un wagon d'entretien des voies

boitier de commande d'un wagon d'entretien des voies

 

Mauvaise idée…

 

Soudain, je repère une tour de métal, support d’un éclairage. La tour doit faire huit mètres de haut et possède une échelle. Je m’approche en espérant prendre de la hauteur afin d’admirer Mittal Gandrange dans son ensemble. L’accès est difficile, les ronces envahissent le bas de l’échelle. Je gravis tant bien que mal quelques échelons lorsque je vois dans mon dos Lucas me faisant signe de vite redescendre. Sans connaître la raison de son affolement, je redescends. C’est seulement arrivé au pied de la tour que je vois la camionnette blanche de la sécurité qui s’arrête à notre niveau.

Le sécuriman – c’est comme ça qu’on les appelle désormais – était stupéfait de nous trouver ici, ne comprenant pas comment nous avions pu entrer. Après quelques explications et l’habituel cinéma du photographe un peu ignorant, il nous laisse partir. Nous faisons donc demi-tour et profitons encore quelques instants de cet endroit majestueux.

stockage ferroviaire à Mittal Gandrange

Wagons d'entretien des voies

En regardant vers l’Ouest, on peut distinguer les deux cheminées de l’usine d’agglomération de Rombas, dernière survivante de cet historique complexe sidérurgique Mosellan. L’exploration de l’agglo R est disponible ici !

Cheminées des laminoirs de Rombas derrière Mittal Gandrange

Et c’est finalement le cœur lourd mais la tête pleine de souvenirs que nous quittons les lieux. Cet endroit ne sera bientôt plus qu’un tas de ferraille ; nous avons de la chance d’avoir pu lui dire au revoir…

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– Re-visite du 15 janvier 2022 –

 

Deux ans ont passé. Deux ans pendant lesquels j’ai fait des rencontres importantes, qui m’ont menées d’une part à me passionner par l’industriel et d’autre part à nettement augmenter le niveau de mes explorations. Il fut un temps où la présence d’une caméra ou d’une clôture un peu trop neuve suffisait amplement à me décourager. Aujourd’hui, tout obstacle est un défi supplémentaire à relever.

Cela fait donc deux ans que je m’informe régulièrement sur la démolition de l’aciérie, dont le rythme s’est accéléré en cette fin d’année 2021. Un de mes collègues a visité le site plusieurs fois et le connaît comme sa poche. Il a d’ailleurs été bien surpris quand je lui ai raconté notre échec, deux ans plus tôt… Cette fois ci, je me laisse donc porter par un guide qui connaît bien son discours.

Nous entrons en milieu d’après-midi. Cette fois, les deux cheminées de l’agglo R ne font plus partie du paysage. La façade Nord du bâtiment n’a pas bien bougé depuis la dernière visite. La catastrophe se trouve de l’autre côté…

La ronde du sécuriman est connue : nous savons qu’il passe régulièrement en voiture autour du site. Tiens, le voilà ! Tout le monde à plat ventre derrière les fourrés ! Il est passé, la voie est libre. Après un sprint ultime vers le bâtiment, nous sommes à l’intérieur. Je suis si heureux de pouvoir visiter ce bâtiment emblématique au moins une fois avant qu’il ne disparaisse. Honnêtement, j’avais stupidement tiré un trait dessus…

Comme la nuit tombe vite, nous nous dirigeons en priorité vers les principaux points d’intérêt. En première position, deux des nombreuses salles de contrôle dont plusieurs ont déjà été détruites.

 

Salles de contrôle

 

La deuxième salle à été partiellement arrachée par les engins de démolition et les portes d’accès donnent sur plusieurs mètres de vide. C’est à la fois perturbant et magnifique.

 

Dévastation

 

Nous arrivons sur le côté Sud du bâtiment qui se dévoile peu à peu, éventré.

Le paysage qui s’offre à nous est digne d’un film post-apocalypse. Ce n’était peut-être pas 2012 mais 2022 !

L’immense gueule d’acier domine le terrain jonché de débris métalliques et dévasté par les chenilles des engins de démolition.

De retour à l’intérieur, nous nous préparons à gravir les 60 mètres qui nous séparent du toit. De nombreux balcons offrent une vue impressionnante qui témoigne de l’immensité du hall.

 

Direction le toit

 

On m’explique que cette photo, à cet endroit, avec l’explorateur au milieu est symbolique de la visite de Mittal Gandrange… Alors je joue le jeu (c’est moi, sur la photo) !

Bien sûr, tout le monde y a droit.

Après un nombre épuisant de marches d’escalier, nous arrivons finalement sur le toit de la « cathédrale ».

Une fois sur cette passerelle, nous sommes alertés par le bruit d’un bip de recul d’un engin de manutention, en contrebas. Effectivement, un ouvrier était sur site, vraisemblablement en train de faire le plein d’un groupe électrogène. Nous faisons demi-tour vers l’intérieur du bâtiment. Mais dans l’encadrement de la porte, nous entendons une voix dans un haut-parleur, déblatérant quelque chose d’incompréhensible dans une langue qui n’était sûrement pas du français. Nous continuons l’exploration, sur nos gardes, tandis que la voix répète son discours à intervalles réguliers.

Nous réalisons rapidement en observant l’entrée du site, que c’est l’ouvrier qui a déclenché l’alarme protégeant le parc de véhicules de l’entreprise de démolition. Ce type d’alarme dissuasive diffusant une voix forte en anglais, sommant quiconque la déclenche de quitter les lieux, est couramment utilisée pour protéger les véhicules stationnés sur un chantier.

 

Le hall des convertisseurs

 

Nous arrivons dans le hall des convertisseurs qui ne ressemble aujourd’hui en rien à ce qu’il était auparavant. Pour vous donner une idée, voici un reportage d’un autre explorateur datant de 2015. J’ai tellement de regrets de ne pas avoir été plus persévérant lors de ma première visite.

Il ne reste ici plus qu’une paire de crochets qui vous laisse imaginer la taille des poches qui transportaient le métal en fusion.

 

Le laboratoire

 

Direction maintenant le laboratoire, où était évalué la qualité du métal grâce à des échantillons.

 

 

Salle de contrôle des convertisseurs

 

Enfin, la salle de contrôle des convertisseurs. On peut noter à quel point les vitres sont teintées, presque opaques, tellement le métal liquide était lumineux…

À suivre…

Rejoignez la discussion 23 Commentaires

  • Pelvert pascal dit :

    Salut
    Sur la dernière photo, les deux cheminées rouges et blanches qui dépassent, sont celles de l agglomération de Rombas.
    Installation qui servait à préparer le minerai qui était enfourné dans les hauts fourneaux .
    Ce site va d ailleurs disparaître certainement prochainement aussi. Le terrain a été racheté ces temps ci.

  • Moi dit :

    Bonjour,

    J’aime beaucoup le petit paragraphe sur l’histoire du site… exploration que j’ai faites ce week end d’ailleurs. Mai oui l’accès de se fait par là ! très jolie page ! bravo

  • Michel dit :

    Félicitations pour votre reportage d’un ancien de Gandrange nostalgique devant ce spectacle. Prudence quand-même.
    La vue du gros défrichement derrière la cité et le terrain de foot du village me rend bien triste. Ainsi que la piste cyclable le long de l’Orne, véritable cicatrice de goudron et de béton sur le milieu qui redevenait naturel et sauvage. Pauvres sangliers… Leur espace vital se réduit inéluctablement.

  • Bertrand dit :

    Hello, magnifique série « portraits d’explorateurs » prise à l’emplacement emblématique du site (avec mention particulière à celle que tu n’as pas prise…)

  • Fabrice dit :

    Superbe reportage, avec des photos que personnellement je n’ai encore jamais vues ! Bravo !

  • Roland dit :

    Faire de l’urbex c’est laisser un souvenir de notre industrie aux générations futures. Faire de la photo n’est pas destructeur mais conservateur de la mémoire ouvrière
    BRAVO

    • SunsetUrbex dit :

      Bonjour Roland !
      Merci d’avoir compris la démarche ! Ce n’est pas toujours évident à voir et beaucoup de personnes considèrent encore les urbexeurs comme des délinquants.
      Je ne suis plus sûr aujourd’hui de faire de l' »urbex ». Plus les gens le pratiquent, plus sa signification s’éloigne de ma réelle activité.
      Ces photos sont le fruit de beaucoup de temps, d’argent, et de persévérance. Merci pour votre soutien !

  • Eric dit :

    Merci pour ces belles photos. Je vis en Nouvelle-Calédonie et ici aussi il y a des vestiges industriels abandonnés lié à l’exploitation minière du nickel. J ‘aime beaucoup prendre des photos avant que ça disparaisse comme pour garder la mémoire. Je suis toujours surpris de voir le nombre d’objet abandonné alors que ça pourrait être mis en valeur comme patrimoine historique. Du coup grâce à votre page j’apprend que je suis aussi un ubexeur terme que je ne connaissais pas.

  • Julien dit :

    Vraiment magnifique, c’est un vrai témoignage. Je désespérais de trouver des spots d’urbex intéressants dans le coin, tu me redonnes envie d’en découvrir et d’y faire des photos. 🤩 merci

  • alex dit :

    Ton est site est vraiment super bien fait et les explorations sont incroyable bravo

  • Schmidt dit :

    Merci pour ce magnifique reportage, ces superbes photos. Témoins d’une époque révolue. C’est un témoignage qui reste, grâce à vous 🙏👍.

  • Justin dit :

    Merci pour ces belles images! Plutôt impressionnant, surtout quand on voit le « peu » qu’il reste maintenant.
    Par hasard, est-ce que tu as des autres photos de la partie « voie ferrée » ? C’est intéressant de voir toutes les ramifications pour arriver jusqu’à l’Aciérie
    Bonne journée

    • SunsetUrbex dit :

      Bonjour Justin,
      Merci à vous !
      Je n’ai pas d’autres photos du chemin de fer non, du moins pas de plus intéressantes. Il m’aurait fallu un drone 😁

  • Jordan B dit :

    Ces clichés sont magnifiques !

    Petit coup de nostalgie en revoyant cela au lendemain de sa mise à terre.
    Cette cathédrale d’acier a fait manger des familles entières.

    Merci pour le partage.

    On se retrouvera peut-être avec nos appareils photo 😉

    Jordan

    • SunsetUrbex dit :

      Bonjour et merci Jordan,
      Effectivement… Je n’ai pas eu la possibilité de me rendre sur place pour le jour de l’abattage mais j’ai suivi la démolition petit à petit.
      Bien que n’étant pas de la région, c’est tout de même douloureux…

  • Theo Urbex dit :

    C’est détruit le dernier bloc de l’usine est tombé le 31 août 2023

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